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Publié à l’origine en espagnol: “Positivado”. Rafa Latorre. El Mundo.
19th June 2018
El Roto [NdT: caricaturiste du journal ElPaís] a dessiné une vignette très raisonnable et cela lui a coûté quelques problèmes. Elle montre un couple avec des barretinas (bonnet traditionnel catalan) tenant un énorme ruban jaune. L’un d’entre-eux dit : «Les rubans sont destinés à identifier ceux qui ne les portent pas”. Un gros scandale. «Criminalisation!» crie le bunker numérique du “procés”. «Un vomissement», résument certains estomacs si immunisés que même la ricine que Clara Ponsatí leur a procuré ne leur a pas causé la moindre nausée.
Puisque dieu aide toujours un bon athée, une info de La Vanguardia annonçant que l’Assemblée nationale catalane était en train de dresser une liste d’entreprises patriotiques est venue au secours du caricaturiste. Cela a été déguisé en «consommation responsable avec la république». L’euphémisme sympathique sert à expliquer à un enfant de trois ans comment le boycott fonctionne, le tout de manière positive. Nul besoin d’avoir étudié en détail les trois volumes de Les ennemis du commerce de Escohotado pour savoir qu’il n’y a pas de plus grande idiotie que de boycotter ceux qui vous achètent plus qu’ils ne vous vendent. Mais le nationalisme en Catalogne a depuis longtemps abandonné tout soupçon de son prétendu pragmatisme.
La liste patriotique de l’Assemblée nationale catalane (ANC) ne peut répondre qu’à la stupidité ou au martyre et le plus probable est que les deux causes soient non seulement compatibles mais inséparables. Et peut-être faudrait-il en ajouter un troisième: le mal, parce qu’il est probable qu’avec la stratégie du plus ça va mal, mieux c’est, les dirigeants de l’ANC devraient profiter de la deuxième partie du raisonnement et réservent la première partie au reste du peuple catalan.
Le ruban jaune est une “positivation” du stigmate, une marque patriotique qui permet d’identifier ceux qui ne le portent pas. Tout comme ce qui est pertinent dans une liste d’ entreprises républicaines c’est précisément celles qui n’y figurent pas, en réalité le ruban est compromettant pour ceux qui décident de ne pas le porter.
L’autre jour, sur TV3, Joaquim Torra a été reçu pour une “interview institutionnelle», un sous-genre qui s’ajoute à la liste des inventions, merveilles et monstres du journalisme patriotique catalan, dont “l’éditorial syndiqué” est un membre éminent. En résumé, c’est le contraire de ce que l’on attendait d’Inés Arrimadas lorsqu’elle a visité la chaîne de télévision officielle, autrefois publique. Ce jour-là, on a demandé à la gagnante des élections pourquoi elle et ses camarades, contrairement aux autres députés, n’avaient pas chanté l’hymne catalan Els Segadoras. C’est ça une “ positivation”. Crier pour qu’on n’entende que le silence. Le ruban est d’une couleur stridente. On le voit de loin et on voit aussi qui ne le porte pas. Toujours précis, El Roto.