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Les dix pièges du hold-up électoral

Publié à l’origine en espagnol. Ignacio Varela. El Confidencial.

Personne ne peut prévoir ce qui se passera en Catalogne, mais nous sommes certains d’une chose : il n’y a pas de vote pouvant être admis et homologué comme correct démocratiquement.

En conversant avec une personne jouissant d’une longue expérience dans la supervision internationale des processus électoraux, je lui demande ce qu’une commission d’observation (par exemple, le Parlement européen) ferait si elle était appelée à surveiller le prétendu référendum du 1er octobre dans les circonstances actuelles. La réponse est claire : « Ils ne prendraient même pas la peine de s’y rendre, car les conditions minimales ne sont pas remplies. De toutes les élections que nous avons supervisées dans les pays du tiers monde de démocratie aussi douteuse qu’à Haïti, toutes comptent plus de garanties de rigueur ».

Personne ne peut savoir avec certitude ce qui se passera en Catalogne le 1er octobre, mais nous sommes d’ores et déjà sûrs de ce qui n’arrivera pas : ce jour-là, il n’y aura pas de vote pouvant être admis et approuvé en termes de qualité démocratique. Ce référendum viole toutes les exigences formelles et matérielles et ne dispose d’aucunes des garanties que le monde exige pour un scrutin démocratique. En plus d’être foncièrement inconstitutionnel, il devrait être suspendu compte tenu de la façon frauduleuse avec laquelle ses instigateurs prétendent le réaliser. Examinons certaines de ces exigences :

  1. La convocation.Le référendum n’a été convoqué que 24 jours avant sa tenue, sans le délai matériellement nécessaire pour effectuer les démarches requises pour un scrutin de ce type. Les délais réguliers ont été supprimés par une procédure électorale sommaire qui a été utilisée pour faire disparaître tous les mécanismes de contrôle.

 

  1. Les listes électorales.Il n’y a pas de scrutin valide sans une vraie liste d’électeurs. Celui-ci ne l’a pas eu. Personne ne sait quelles listes électorales a l’intention d’utiliser la Generalitat. Bien sûr, ce ne sera pas légal, puisque la seule liste qui existe est en possession de l’INE (Institut National de Statistique).

Tout autre recensement que l’on voudrait utiliser sera frauduleux ou le produit d’un vol. S’ils ont l’intention d’avoir recours aux recensements municipaux, ceux-là incluent des personnes qui n’ont pas le droit de vote. Si l’on prétend avoir recours à ceux d’élections précédentes, l’on ferait voter les morts et l’on laisserait de côté ceux qui depuis ont atteint leur majorité. S’ils avaient pensé à pirater les fichiers d’organismes officiels comme la Sécurité sociale ou l’Agence fiscale, ils laisseraient en dehors du scrutin des milliers de personnes qui n’y apparaissent pas. Sans oublier que cette méthode violerait toutes les règles relatives à la protection des données et pourrait provoquer une série de procès contre la Generalitat. La vérité est que, à ce stade, un citoyen catalan intéressé par le référendum ne sait même pas s’il est inscrit sur les listes électorales, ni ne peut le prouver, ni sait à qui se plaindre.

  1. Les centres de vote.Ce même citoyen intéressé par le vote ne sait pas où il doit aller voter. En vain, on lui annonce qu’il allait recevoir une lettre d’information avec sa carte d’électeur. Il ne l’a pas reçue et probablement il ne la recevra jamais. Vous devrez donc atteindre votre point de vote guidé par le bouche à oreille ou par le tam-tam de la propagande.

Ils disent que, pour ne pas mettre dans l’embarras les proviseurs des collèges et lycées, on leur demandera de remettre la clé aux volontaires de Forcadell (Présidente de l’Assemblée catalane) afin que ces derniers ouvrent les établissements. Allez-y, tout le pouvoir pour les soviets ! D’autre part, n’y a-t-il pas d’engagement plus fort pour ces proviseurs que de donner la clé de leur établissement à un étranger n’ayant aucun pouvoir ? Si c’est le cas, qu’ils s’apprêtent à en donner des explications.

  1. Les isoloirs.Personne n’a prévu quelque chose d’aussi simple que les cabines de vote, qui offrent en principe à l’électeur un minimum de confidentialité. Étant donné que ce jour-là, les écoles seront remplies de commissaires politiques du « processus » en train de surveiller ceux qui y vont et ce qu’ils font, notre citoyen peut être sûr que quelqu’un derrière son épaule s’assurera qu’il ne se trompe pas.

 

  1. Les assesseurs de vote.On suppose que 55 000 personnes sont nécessaires pour assurer le service des bureaux de vote. Personne ne sait s’il sera désigné ou non. En outre, si bon nombre des personnes désignées décident de se conformer à la loi et de ne pas se rendre à la convocation, un grand nombre de postes d’assesseurs seront vacants. Et en tout cas, les membres seront tous indépendantistes. Les possibilités de modifier le vote sont infinies, car il y aura aussi :

 

  1. Les intervenants et délégués. Ces personnes représentent habituellement tous les partis politiques et se surveillent mutuellement pour qu’il n’y ait pas d’irrégularités. Mais cette fois-ci ce sera un peloton d’activistes du « processus » sans aucun contrepoids. Ainsi, avec des bureaux de vote unicolores et des intervenants extérieurs d’un seul signe, vous pouvez être sûrs que sur les registres du scrutin ils écriront les résultats qu’ils voudront —ou que leur aura indiqué le délégué de Joaquim Forn (le conseiller d’intérieur du gouvernement régional catalan).

 

  1. Le vote par courrier. Pour cette occasion il ne sera pas possible. Si vous voulez ou devez être en voyage ce jour-là, vous vous retrouvez sans droit de vote. En y réfléchissant bien, c’est peut-être le mieux que vous avez à faire.

 

  1. Le dépouillement des bulletins. Habituellement, il est effectué par une entreprise spécialisée, engagée par le biais d’un concours public. Il n’y aura pas de telle entreprise en cette occasion. Au lieu de cela, ce travail a été confié aux employés du CTTI (Centre de Télécommunication et Technologies de l’Information), un organe qui dépend de la Generalitat, dépourvu de toute expérience dans ce domaine et dirigé par des hauts responsables du Govern. Un ensemble de non-garanties de crédibilité à partir duquel il peut se passer n’importe quoi avec les données.

 

  1. L’autorité électorale. En réalité il s’agit d’un syndicat électoral, un organe ‘ad hoc’ inventé dans la Loi de référendum (du 6 septembre 2017) suspendu, qui usurpe le Conseil électoral. Parmi ses membres ne figure aucun juge ou juriste reconnu. Tous ont pour vertu principale l’adhésion inconditionnelle à la cause. A ce propos, personne ne sait comment ni où ils se réunissent, émettent leurs résolutions depuis un lieu inconnu dans lequel ils se cachent pour échapper à l’action de la justice. Drôle d’autorité !

 

  1. Le désordre public de la journée électorale. On annonce des manifestations de rues durant la votation, des barrières humaines pour protéger les collèges, des piquets passant dans les rues et visitant les maisons pour informer les votants paresseux. En plus de la fonction coercitive, il s’agit de livrer au Major Trapero (le chef de la police catalane) un alibi pour arguer qu’il ne peut pas s’occuper des urnes car il est prioritaire de maintenir l’ordre public.

En conclusion: tout cela n’atteint même pas le niveau d’un simulacre. La Generalitat n’est pas en situation d’offrir les conditions nécessaires à la tenue d’un référendum. Ils diront que la faute en revient aux obstacles qu’on leur a posés, nous n’allons pas débattre de cette question ici. Mais quand un gouvernement qui se respecte un tant soit peu ne veut pas, ne sait pas et ne peut pas garantir le déroulement démocratique d’un scrutin que lui-même a convoqué, quelle qu’en soit la raison, il doit reconsidérer cette convocation.

Puigdemont et ses partenaires passeront à l’histoire pour avoir ouvert un schisme d’affrontement et de division dans la société catalane. Pour provoquer un conflit social et institutionnel qui restera enkysté durant beaucoup de temps après le 1er octobre. Pour avoir défié la loi et la raison. Prétendent-ils de surcroît rester dans les mémoires comme les auteurs de la plus grande tentative de coup d’état de notre histoire moderne? Si tel est le visage de la république catalane, il vaut mieux partir en courant et rejoindre la résistance.

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