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Publié à l’origine en espagnol: “Quim Torra, agitador integrista» . Joaquim Coll. Crónica Global.
10 mai 2018
Après le changement politique à la Mairie de Barcelone, en mai 2011, avec l’arrivée au pouvoir du conservateur Xavier Trias comme maire de la ville, le projet du marché du vieux quartier du Born comme centre culturel devint un véritable temple de la victimisation de la célébration du Tricentenaire que les souverainistes catalans préparaient avec soin ; ce projet devint quelque chose comme l’incarnation de la « résistance face à l’ennemi », on le présenta comme la « zone zéro » de la destruction belliciste de 1714. Loin d’aider à comprendre la complexe guerre de succession à la couronne espagnole qui avait eu lieu au XVIIIème siècle, le Born se transforma en un élément hautement symbolique de la propagande sécessionniste, la même année où devait avoir lieu la consultation du 9 novembre 2014. Tout ceci grâce à son directeur, Quim Torra, qui fut nommé responsable de ce nouveau centre culturel, après avoir brièvement occupé le poste de gérant du département de Promotion de la ville de Barcelone. Bien peu importait qu’il ne fût pas historien de formation, ni qu’il n’eût jamais dirigé un musée ; ce qu’on récompensait en lui confiant ce poste était son activisme indépendantiste dans la vie associative culturelle, son travail de propagandiste dans des maisons d’édition ou comme auteur d’essais de fiction dans lesquels il mélangeait l’histoire et le journalisme. Tout en utilisant, bien évidemment, son militantisme « convergent » [du parti Convergència de Catalunya].
Le très beau bâtiment de fer et de verre de l’ancien marché du Born (1873), magnifiquement restauré par Josep Fontseré, au lieu d’accueillir la tant réclamée bibliothèque provinciale, fut finalement transformé, par la faute des obsessions nationalistes de droite comme de gauche, en un sarcophage de luxe pour exposer des restes semi archéologiques d’un intérêt relativement limité, devant lesquels ne pouvait exister qu’une « approximation magique, quasi tellurique, de l’âme d’un peuple », comme suggéra son directeur avec beaucoup de lyrisme le jour de l’inauguration, en feignant de s’émouvoir. Un sarcophage de luxe pour diffuser un récit qui présentait la guerre de succession comme une colossale épopée des Catalans pour la liberté.
Le summum de cette falsification de l’histoire fut l’exposition Donec Perficiam (jusqu’à triompher), qui avait choisi de se centrer sur la prise d’assaut dramatique de 1714, en mettant en exergue la résistance héroïque des Barcelonais. L’exposition s’était donné pour but d’émouvoir le visiteur mais aussi de l’indigner devant ce que l’on présentait comme la destruction de l’État catalan par l’Espagne. L’objectif de l’exposition, au demeurant gratuite, était de provoquer la confusion chez le citoyen en établissant une relation directe entre le passé et le présent, en faisant croire que, sous le conflit de succession de la couronne espagnole du XVIIIème siècle brûlait un très fort désir catalan de sécession, en consonance avec l’actuelle requête des indépendantistes. La visite de la librairie, où étaient exposés un grand nombre d’ouvrages et d’essais politiques indépendantistes accompagnés de tous types d’objets de merchandising avec le drapeau étoilé indépendantistes, l’estelada, dissipait le dernier doute possible sur le véritable but de l’opération.
Ce jeudi, Carles Puigdemont a designé Torra comme candidat à être le président marionnette.
Les très polémiques tweets ultra-nationalistes de celui qui, après le départ en 2015 de Muriel Casals pour devenir députée —et qui était décédée plus tard, victime d’un accident—, avait assumé la présidence intérimaire de l’association Òmnium, ont été immédiatement mis au jour ; des messages qui firent déjà couler beaucoup d’encre au moment où il les avait publiés. Avec un choix si controversé, le profil de Junts per Catalunya [le parti de droite nationaliste Ensemble pour la Catalogne] se rapproche de façon de plus en plus flagrante de celui d’une formation xénophobe et suprématiste. Ce qui est tragique dans l’affaire est que la présidence de la Généralité de Catalogne finira probablement entre les mains d’un agitateur fondamentaliste et intégriste qui a écrit des choses comme « nous, Catalans, vivons occupés depuis 1714 ». Préparez-vous!