Patrick Tomasso
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Le mandat d’arrêt européen : note technique, regard politique

Photo: Patrick Tomasso | Unsplash

Publié à l’origine en espagnol: «Euroorden: apunte técnico, mirada política». Ana Mar Fernández Pasarín. Agenda Pública.

17 avril 2018

Le mandat d’arrêt européen, est un instrument de l’Espace de liberté, de sécurité et de justice (ELSJ) de l’UE. Ce dernier constitue un domaine relativement nouveau de la réglementation européenne. Ses débuts se remontent aux années 70, avec les premières réunions informelles des ministres de l’Intérieur des États membres, assemblés sous le nom de Groupe Trevi. Depuis, la coopération européenne en matière de Justice et d’Affaires intérieures a connu un développement extraordinaire, qui s’explique par des événements historiques comme l’entrée en vigueur des traités de Maastricht (1992) et d’Amsterdam (1999), ou l’adoption des successifs programmes de Tampere. (1999-2004), La Haye (2005-2009) et Stockholm (2010-2014). À l’heure actuelle, comme le montre le texte du traité de Lisbonne, les questions de liberté, de sécurité et de justice restent au coeur des préoccupations européennes.

 

La suppression des frontières intérieures résultant de la pleine implantation du Marché unique, ainsi que les questions de sécurité liées à la croissante dimension transnationale de la délinquance et du crime organisé, ou la lutte contre le terrorisme international, sont les principaux moteurs de ce changement; un saut qualitatif dans l’agenda européenne qui se traduit par trois éléments: le développement législatif, le déploiement institutionnel et l’extension du champ d’action, extraordinaires au cours des 20 dernières années. À titre d’exemple, le 31 décembre 2016, 85% des directives (70 sur 82) et 97,5% des règlements (117 sur 120) en vigueur dans le domaine de la Justice et des Affaires intérieures, étaient postérieures à 1998. De la même façon, neuf des 11 agences européennes créées pour mettre en œuvre l’ELSJ au niveau européen ont été créées entre 2002 et 2011. D’autre part, à l’heure actuelle, l’Espace de liberté, de sécurité et de justice va de la garantie des droits les fondamentaux (lutte contre la discrimination et protection des données personnelles), à la lutte contre la cybercriminalité et la radicalisation violente, en passant par les politiques d’immigration et d’asile ou la coopération judiciaire en matière civile et pénale. Ces données prouvent l’ambition politique des États membres et des Institutions européennes dans ce domaine; une ambition qui, en fait, reflète le concept même de l’Espace de liberté, de sécurité et de justice.

 

La création du mandat d’arrêt européen en 2002, sous la présidence espagnole du Conseil de l’UE (décision-cadre du Conseil de l’UE du 13 juin 2002) et dans le cadre des attentats du 11 septembre [de 2001 à New York], qui ont servi d’aiguillons, doit être interprété dans le cadre de cette évolution. Comme beaucoup d’autres outils, tels qu’Eurojust, Europol ou Frontex, son origine est directement liée à la volonté de créer un ordre public européen.

 

La réalisation de cet objectif implique différents aspects:

 

Sur le plan fonctionnel, il suppose la suppression des frontières intérieures de l’Union et la gestion intégrée de ses frontières extérieures (Convention d’application de l’Accord de Schengen de 1985) ou le renforcement de la coopération policière et judiciaire en matière civile et pénale entre les États membres, au point de les inclure dans des logiques de fonctionnement proprement européennes, comme en témoigne la notion même du mandat d’arrêt européen.

 

Sur le plan juridique, cela implique la convergence et l’harmonisation progressives de l’ordre public et de l’administration de Justice sous le parapluie européen, ce qui implique l’acceptation du principe de reconnaissance mutuelle.

Enfin, comme la Commission européenne le note dans son Livre vert [du 14 juin 2011] sur l’espace judiciaire européen, la structuration de l’ELSJ demande également, sur le plan politique, des principes de gouvernance basés sur la confiance mutuelle. Supranational, intergouvernemental ou à mi-chemin entre les deux logiques de décision, les règles du jeu européen s’appuient essentiellement sur cet accord de base. La prémisse qui gouverne la structuration de l’Espace de liberté, de sécurité et de justice n’est que la cession d’une parcelle de souveraineté, comme c’est le cas du contrôle du territoire, en échange de la construction d’un bien commun supérieur. Le mandat d’arrêt européen est un vecteur d’intégration. Son questionnement peut facilement conduire à remettre en question, pas seulement l’ensemble des règles, mais aussi les principes et les valeurs mêmes qui gèrent le fonctionnement de la maison commune européenne.

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