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Houston, nous avons un problème . . . politique ?

Version du post publié sur Derecho Mercantil España. Jesús Alfaro.

Les esprits les plus éclairés —et grand nombre parmi les plus obtus—   de la gauche espagnole ont introduit dans la question catalane l’idée du « problème politique » dont le Gouvernement de Madrid, à leur avis, refuse de reconnaître l’existence.

Mais dire que nous avons « un problème politique » et que nous devons y faire face ne veut absolument pas dire qu’il faut le résoudre en donnant raison, même partiellement, à ceux qui font cette affirmation. Car les problèmes politiques ne sont pas comme des problèmes techniques. Lorsque l’astronaute Apollo 13 prononça la célèbre phrase, il faisait référence à un problème technique parce que les problèmes techniques, soit on les résout soit provoquent, en l’occurrence, l’explosion de la fusée.

Les problèmes politiques ne sont jamais résolus définitivement. Au cœur d’une société politique, des accords sont forcément provisoires. Et parfois, dans ces arrangements temporaires, une partie du groupe l’abandonne et à d’autres moments, c’est une autre partie du groupe qui s’en va.

Regardons de près le cas de la Concertation basque (= Concierto vasco). La plupart des Espagnols le considèrent comme un mécanisme qui garantit à cette région un privilège sur les dépenses publiques par habitant. La Concertation basque est un « problème politique » de premier ordre, selon ma modeste opinion. Et puisque les Espagnols qui ne vivent pas au Pays Basque, quand la Concertation basque s’est saisie de la Constitution, sont perdants avec cet accord, le groupe perdant doit endurer la frustration qui résulte de cette défaite et continuer jusqu’à une prochaine fois.

Les Catalans non nationalistes ont été vaincus à plusieurs reprises pendant ces dernières quarante années. Ils ont vu, avec frustration, qu’ils ne pouvaient pas choisir la langue dans laquelle leurs enfants seraient scolarisés ; que les slogans nationalistes ont inondé la vie et la coexistence en Catalogne. Et ils ont géré leur frustration et ont dû avaler la pilule. Parce que c’est justement cela être adulte : la capacité à tolérer la frustration. Les enfants et les adolescents ont une faible tolérance à la frustration. S’ils n’obtiennent pas ce qu’ils veulent, ils se fâchent et réagissent souvent de manière agressive. Aucun éducateur ne songerait à traiter ces enfants en disant aux parents et à ceux qui ont affaire à eux qu’ils ont un «problème éducatif» et qu’ils devraient céder aux prétentions de l’enfant, même bien sûr partiellement.

Que les Catalans qui désirent l’indépendance soient des centaines de milliers ou des millions, et qu’il y ait des millions d’autres qui voudraient plus d’autonomie pour la région, consolider celle qu’ils ont déjà et obtenir un AVE (=TGV) de Barcelone à Almería ne signifie pas que le reste de la société doive les traiter comme des sujets avec une faible tolérance à la frustration. C’est un principe de vie : on n’obtient pas toujours ce qu’on veut, que l’on soit un seul ou nombreux. Et la meilleure (ou la pire) des démonstrations nous la donne l’Histoire. Ceux qui ont une faible tolérance à la frustration finissent par brandir des armes pour obtenir par la force ce qu’ils veulent.

Bien sûr, nous avons un problème politique en Catalogne. Mais les problèmes politiques ne doivent pas nécessairement être résolus comme s’il s’agissait de problèmes techniques. Il existe une alternative assez efficace qui, pour poursuivre la comparaison avec les enfants à faible tolérance à la frustration, équivaut à les envoyer « au coin » pour réfléchir. C’est la bonne attitude de la part de l’enseignant lorsque la demande est disproportionnée, injustifiée ou immorale.

Comme le prévoit le Droit international, il n’y a pas de raisons qui exigent une réponse au désir d’indépendance d’une bonne partie des Catalans. Ils ne sont ni opprimés, ni ne manquent d’autonomie. Le fait qu’ils se plaignent n’a rien de particulier. Par conséquent, ils devraient articuler leurs requêtes à travers les procédures prévues dans les « arrangements provisoires » mentionnés ci-dessus.

Cessons de dire des truismes en utilisant des termes qui cachent les termes réels du débat. Parce qu’affirmer que « nous avons un problème politique » devant être résolu comme le serait un problème technique conduit  inexorablement à prêter une plus grande attention à ceux qui ont une faible tolérance à la frustration, c’est-à-dire des membres qui sont moins disposés à coopérer avec notre société.

 

 

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