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Ce que les indépendantistes catalans ne comprennent pas sur le Brexit

Photo by John Cameron on Unsplash

Publié en espagnol sous le titre: «Lo que los independentistas catalanes no entienden del Brexit»Marta García Aller. El Independiente. 10/02/2019 Actualisé le 11/02/19 – 00: 03

Les indépendantistes catalans ne comprennent pas, ou ne veulent pas comprendre, à quoi sert un référendum.

La preuve en est qu’ils prennent toujours en exemple des référendums dont le résultat a été négatif, des référendums qui n’ont rien changé.

C’est pour cela qu’ils citent à tout bout de champ le référendum de l’Ecosse, alors qu’en réalité, celui qui ressemblerait le plus à la votation pour séparer la Catalogne de l’Espagne serait, dans le meilleur des cas, celui du Brexit.

Ces deux référendums se ressemblent sur deux points principaux : d’une part à cause de la désinformation délibérément émotionnelle qui a mené au oui, et d’autre part à cause du chaos consécutif à une victoire sans feuille de route.

Et voilà le président du Parlement catalan, Roger Torrent, qui profite du procès [qui a lieu actuellement à Madrid pour juger les dirigeants catalans qui ont organisé le référendum en Catalogne à l’automne 2017, en allant à l’encontre de la décision de la Cour Constitutionnelle] pour arpenter toutes les télévisions avec le vieux slogan de « nous voulons voter », et au passage, faire sa campagne comme leader du parti de gauche radical indépendantiste ERC.

C’est donc le moment de rappeler ce qui arrive avec les référendums à l’ère des fake news. Quand ils disaient qu’il ne s’agissait pas d’indépendance, mais qu’il était surtout question de démocratie. Vous vous rappelez ? Quand ils disaient qu’il fallait laisser les gens voter, les laisser choisir s’ils voulaient ou non appartenir à l’Espagne. Quand ils affirmaient que le peuple est souverain pour décider où commence et où finit leur pays (la Catalogne, évidemment, car on ne pose pas la question pour l’Espagne).

Torrent dit qu’il n’est pas nationaliste ; que ce qu’il veut, c’est l’indépendance de la Catalogne pour « récupérer les institutions » ; qu’ils veulent simplement vivre en paix et qu’il n’y a rien de personnel, qu’ils n’ont rien contre personne mais que simplement, tout seuls ils se sentent mieux. Cela ne vous rappelle rien ? Qui disait cela aussi ? La campagne pour le Brexit : Take back control (reprenons le contrôle). Tel était le slogan qui a réussi à convaincre une majorité de Britanniques à voter pour se séparer de l’Union Européenne. Et quand le “oui” a gagné, loin de résoudre quoi que ce soit, alors les problèmes ont vraiment commencé.

Non, ce n’est pas une affaire de démocratie, bien sûr que non !

Il est question ici de politiciens irresponsables qui proposent aux gens de se prononcer sur des questions manichéennes oui ou non, dedans ou dehors, en une simplification maximale d’un problème complexe, sans expliquer au préalable ce qu’on est en train de voter réellement, ni quel sera le plan pour mettre en œuvre toutes ces solutions magiques promises dans le cas où la séparation se produirait.

Les Britanniques, pourtant, ne sont pas réputés pour laisser tout pour le dernier moment, et c’est ce qui rend encore plus pathétique la situation, car en réalité personne ne devrait songer à un référendum pour proposer un plan viable pour réaliser ce qui a été promis. Ça vous rappelle quelque chose ?

Il n’est pas de meilleur miroir que le Brexit pour donner une douche froide de prise de conscience à ceux qui ont organisé ce référendum de fiers-à-bras, et qui continuent à se réclamer de l’indépendantisme comme solution supposément négociée pour la Catalogne. Au moins, le référendum britannique était parfaitement légal, mais non moins stupide en termes politiques !

Mais, même lorsque le vote est légal, même lorsqu’il y a plus de deux ans pour négocier la sortie d’un territoire, il n’est pas possible de garantir que toutes les parties ne seront pas perdantes. Dans le cas britannique, pourtant, ce qui se négocie concerne uniquement les termes économiques et sociaux, pas les questions émotionnelles.

Beaucoup d’entre ceux qui ont voté pour la sortie du Royaume Uni ne comprennent pas pourquoi les banques s’en vont de la City, ni pourquoi des usines aussi britanniques que Jaguar et Land Rover quittent le pays… Mais pourtant, ils n’avaient pas voté pour récupérer le contrôle, justement ? Ce sera sans doute la faute de Bruxelles… Les indépendantistes catalans n’ont pas compris non plus que, suite à l’incertitude provoquée par le référendum du 1er octobre 2017, la banque La Caixa a déménagé son siège à Valence et le producteur de cava Codorniú, à La Rioja. Ce sera, bien sûr, la faute de Madrid.

Espérons que nous n’assisterons pas, dans un mois, à un Brexit dur, c’est-à-dire à une sortie de l’UE sans accord, pouvant appauvrir le pays et le plonger dans le chaos tout le temps que dure l’incertitude législative. Les effets en seraient très ressemblants à ceux d’une déclaration unilatérale d’indépendance (DUI) de la Catalogne, un scénario auquel aspirent encore aujourd’hui les indépendantistes qui restent sur leur faim et voudraient que prospère l’indépendance manquée d’il y a un an et demie.

Grâce au Brexit, il ne sera plus nécessaire d’imaginer une Catalogne en dehors de l’Espagne pour en expliquer les risques. Il suffit de rappeler qu’elle se retrouverait juridiquement expulsée de l’Union Européenne, comme l’ont affirmé les responsables des institutions européennes à maintes reprises au sujet d’une hypothétique République Catalane indépendante.

Ah ! si encore il était possible de ne pas en arriver à voir jusqu’où peut aller le chaos engendré par un Brexit dur, de la même manière que nous n’avons pas eu l’occasion de voir où aboutirait à une véritable DUI. Il suffit de prendre la mesure de l’ineptie des politiciens britannique et de l’inaction européenne pour imaginer que le pire, ce qui n’apporte aucun bénéfice à aucune des parties, se produit parfois si personne ne fait les efforts suffisants pour l’éviter.

Espérons aussi que nous ne verrons pas des milliers de camions faisant la queue à la frontière à Calais, ne pouvant pas traverser la Manche, ni les supermarchés britanniques en rupture de stock car les responsables politiques chargés de mettre en place le Brexit n’ont pas su prendre leurs responsabilités. Espérons ne pas avoir à assister à un Brexit dur.

Mais par contre, si cela survenait finalement, que personne n’oublie que tout avait commencé avec un référendum.


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