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Article publié à l’origine en espagnol: ‘España y la muerte’ Víctor Lapuente. El País.
15 mai 2018
Les écrits de Torra au fil des années le connectent avec le pire de l’Histoire : le suprématisme ethnique.
Quim Torra a clairement indiqué quelle serait la pensée qui allait inspirer son futur gouvernement. Une rhétorique épique de construction nationale et une mise en pratique à la Pyrrhus, sans préciser les étapes concrètes. Le tout bien arrosé par des subventions publiques pour les fonctionnaires et les entreprises fidèles et loyales au mouvement indépendantiste. Ainsi, les mots de Torra ont plu à la fois aux électeurs plein d’espoir rêvant d’indépendance et à ceux qui vivent d’un travail ou d’une aide publique.
Torra a parlé de la «route vers la liberté», de «l’espoir collectif», de la « la république de tous, pour la Catalogne et pour la vie », face à l’Espagne et à la mort, on le comprend bien. Mais Torra a évité de s’encombrer de détails. Comment agira le dit Conseil de la République ? Quelles seront les responsabilités de la dite Assemblée des élus ?
La République catalane esquissée par Torra sent la démocratie populiste, où l’exécutif est soumis uniquement à la majorité parlementaire et non à la primauté du droit. Autrement dit, elle est l’antithèse du principe républicain, celui qui, de la Rome classique aux États-Unis, prévoit des freins et des contrepoids destinés à empêcher les délires présidentialistes. Cette hypothétique république a aussi des relents socialistes, comme le fait d’aspirer au « contrôle démocratique de l’énergie. » Mais, pour l’instant, cette république catalane n’est pas tangible ni réelle.
Ce qui est tangible et réel est le budget de la Generalitat. Et c’est ici que le Gouvernement de Torra mettra tout son poids dans la balance pour, par exemple, augmenter le budget pour l’éducation, augmenter les salaires des professionnels de la santé publique, établir la TVA de taux particulier sur les biens culturels… Le Gouvernement ne laissera pas tomber ceux qu’il considère proches de sa cause.
Rajoy nous a engagés la semaine dernière à juger Torra sur ses actes et non sur ses articles ou ses tweets. Mais, à en juger par son discours, Torra ne passera pas à l’histoire par ses actions en quelques mois en tant que président. Néanmoins, les mots de Torra au cours des dernières années —sur les «spoliateurs» espagnols, ces « bêtes » qui s’opposent à la soi-disant politique «d’immersion linguistique» [qui consiste à réduire l’enseignement de la langue espagnole à deux heures par semaine, comme une langue étrangère], ou sur la disparition de la « race » des socialistes catalans pour se mélanger aux Espagnols— le ramène à ce qu’il y a de pire dans l’Histoire : le suprématisme ethnique. «Une république pour tous»….tant qu’on appartient à la race, bien sûr !