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Le gouvernement de Catalogne a encouragé les manifestations d’élèves après le référendum illégal

Photo: Ryan Tauss | Unsplash

Publié à l’origine en espagnol: «La Generalitat alentó protestas de alumnos tras el referéndum ilegal». Oriol Güel, Jesús García. El País.

5 mai 2018

Les professeurs ont reçu des instructions officielles de la part de la Generalitat pour organiser des minutes de silence avec « tous les élèves et enseignants » pour condamner les incidents

Le Gouvernement régional de la Generalitat de Catalogne a encouragé les écoles et collèges publics à organiser des actions et cérémonies « avec tous les élèves » en signe de désaccord avec les incidents survenus lors du référendum illégal d’indépendance du 1er octobre 2017. Des cérémonies qui, appuyées sur un sentiment de rejet de la violence logiquement partagé par tous et très générique, ont été utilisées par le Gouvernement catalan pour impliquer le système éducatif dans sa stratégie pour discréditer et délégitimer l’État en Catalogne.

C’est ce que révèle un courrier électronique, auquel a eu accès EL PAÍS, envoyé par la direction territoriale de l’Enseignement du département du Baix Llobregat (Barcelone) à toutes ses écoles.

Le Baix Llobregat, qui occupe la vallée industrielle traversée par cette rivière, est le troisième département le plus peuplé de Catalogne, avec 806 000 habitants. C’est aussi le département qui résiste le plus à l’indépendance, électoralement, en grande partie à cause du poids de l’immigration en provenance du reste de l’Espagne dans les années 1960 et 1970 dans ses municipalités. Lors des élections régionales catalanes du 21 décembre, les trois candidats des partis indépendantistes —Junts per Catalunya, ERC et CUP—ont remporté 33,2% des voix, le pourcentage le plus bas de Catalogne après la vallée d’Aran, avec une population de seulement 10 000 habitants.

La directrice territoriale de l’enseignement du Baix Llobregat, Núria Vallduriola, a envoyé un e-mail le lundi 2 octobre à 10h38, avec seulement trois phrases et plusieurs erreurs grammaticales, à tous les établissements scolaires publics et subventionnés de la région (environ 450 au total). Ce matin-là, une grande partie de la société catalane avait été choquée par les dures images de la tentative infructueuse de la Guardia Civil et de la Police Nationale d’empêcher qu’ait lieu le vote illégal du 1er octobre, et qui provoqua que des centaines de personnes reçoivent des coups.

Le courrier de Madame Vallduriola commence par la proposition d’un « appel à la paix et la non-violence dans toutes les écoles ». La devise n’est pas choisie par hasard et coïncide avec la journée internationale de l’école qui, dans les mêmes conditions, est célébrée tous les 30 janvier pour promouvoir ces valeurs chez les enfants et les jeunes.

Le message se poursuit par une instruction concrète : « Nous vous demandons d’organiser un événement aujourd’hui à midi dans vos écoles, avec tous les élèves et les enseignants ». Enfin, le message demande à chaque établissement scolaire de faire la promotion de l’événement de façon la plus large possible ».

L’appel lancé par la direction régionale de l’enseignement a été suivi de façon massive dans le Baix Llobregat, bien que de façon inégale en fonction des établissements. « Il est évident que nous sommes tous contre la violence », explique un professeur de Cornellà qui, comme tous ceux interrogés par ce journal, demande l’anonymat. « Mais l’instrumentalisation des enfants sous ce prétexte était si grossière que certains de mes collègues et moi-même nous sommes fait discrets. D’autres enseignants ont encouragé les élèves à descendre dans la cour, mais tous ne l’ont pas fait », ajoute-t-il. Un autre professeur, critique lui aussi sur ces minutes de silence, rappelle que « la grève du lendemain se préparait déjà [la grève dite générale, également encouragée par la Généralité] et il était clair que ce qui se passerait dans les établissements faisait partie du récit que l’on voulait imposer ».

BATALLE LEGALE POUR LES INFORMATIONS DES PROFESSEURS

 

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La diffusion de l’identité de neuf professeurs dénoncés par la fiscalité pour avoir exercé une présumée humiliation sur des élèves enfants de guardes civils après le référendum illégal du 1er octobre a déclenché une bataille quant au respect de la vie privée des enseignants. L’avocat de deux de ces professeurs s’est rendu au service de la protection des données pour se plaindre que le procureur ait diffusé des informations les concernant à travers les médias. 

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Or, dans la lettre envoyée par le procureur, seuls les prénoms (sans nom de famille) des professeurs apparaissent, ce qui est la pratique courante pour ce type de communications. Le service de protection des données s’est conformée à la demande de l’avocat et a demandé des explications au parquet. 

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L’entourage des enseignants a dénoncé publiquement l’apparition de leurs photos dans un rapport publié par le quotidien El Mundo, ce qui, à leur avis, a suscité une campagne de harcèlement. Cette campagne s’est traduite, par exemple, par l’apparition de graffitis («nazis», «separatas» aux côtés des noms des enseignants) sur les murs extérieurs du collège El Palau à Barcelone. Le procureur chargé des crimes de haine celui qui a dénoncé les enseignantsa ordonné aux Mossos d’Esquadra d’enquêter sur ces graffitis. 

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Le courrier électronique envoyé par Núria Vallduriola

Deux autres professeurs de la région, qui ne cachent pas leur soutien à l’indépendance, se souviennent différemment de la journée. « Ce lundi fut très intense. On ne parlait que de cela et les élèves sont arrivés à l’école très excités. Il fallait faire quelque chose pour reconduire cette tension. Sans entrer dans le vif du sujet, et en respectant les positions, une minute de silence sur une notion partagée par tout le monde et aussi inoffensive qu’est le rejet de la violence était une bonne façon de le faire », disent-ils. « Je n’avais même pas connaissance de l’existence de ce courrier. Mais il était évident qu’il fallait organiser quelque chose pour calmer les esprits », ajoute-t-il.

Le mouvement a été suivi de façon assez générale dans de nombreux établissements et, selon les instructions de Vallduriola, il a été fait une certaine promotion de ces actions dans les médias. À cette fin, on a souvent utilisé des arguments en faveur de l’indépendance. Par exemple, à l’école Garbí d’Esplugues, on a publié sur le site web de l’école un message avec des photos d’enfants et disant « Nous, élèves et éducateurs, avons tous fait 15 minutes de silence pour nous souvenir que la paix et la non-violence sont les piliers du vivre-ensemble. L’extrême violence subie hier par de nombreux citoyens n’a aucune justification. Il s’agissait de personnes qui tout simplement voulaient voter pacifiquement. Nous avons travaillé sur tous ces aspects aujourd’hui à l’école ».

Une porte-parole du département de l’Éducation de Catalogne soutient que l’appel aux écoles de Baix Llobregat était une initiative personnelle de Vallduriola et ne venait pas d’autres délégations. « La directrice a pensé que la tenue d’événements autour de valeurs largement partagées était un bon moyen de faire face aux événements de la veille, qui avaient eu un grand impact sur les élèves », explique la porte-parole.

Mais l’envoi du courriel n’a pas été la seule intervention de Vallduriola par rapport au vote du 1-O. Plusieurs témoins dans le département confirment que la directrice a joué un rôle de premier plan dans la préparation du référendum illégal dans le Baix Llobregat.

Un des collèges ayant reçu le courriel était El Palau, à Sant Andreu de la Barca, situé près du commandement de la Guardia Civil. Le document est cité dans la plainte déposée par le bureau du procureur contre neuf enseignants de cette école pour un délit contre les droits fondamentaux de plusieurs élèves, que les enseignants auraient identifiés comme étant les enfants de gardes civils et devant lesquels ils auraient exprimé des opinions offensantes sur la profession de leurs parents. Cinq enseignants sont également accusés d’infractions graves contre les forces de sécurité. Des sources judiciaires soulignent qu’à ce stade de l’enquête, le courrier à lui seul ne justifie pas les actions des professeurs.

« Personnes démocratiques »

La plainte du procureur est maintenant entre les mains des tribunaux de Martorell. L’un d’entre eux a ouvert une procédure contre l’un des enseignants qui, le 20 octobre, a demandé aux enfants des élèves de la Garde civile de «lever le doigt » en classe. Un autre juge n’a pas encore entendu la plainte contre les huit enseignants qui, le 2 octobre, auraient «humilié» ces élèves avec des commentaires dénigrants sur la Guardia Civil.

Le procureur de Barcelone spécialisé dans les délits de haine a recueilli les témoignages de parents d’élèves et a également recueilli les déclarations des professeurs qui ont fait l’objet de l’enquête. Dans leurs déclarations, les professeurs ont nié avoir critiqué la police ou pointé du doigt les élèves. Ils sont arrivés au tribunal accompagnés et entourés par Madame Vallduriola. La directrice des services territoriaux a affirmé que les débats sur 1-O en classe avaient commencé « spontanément » de la part des élèves et justifiaient qu’ils étaient nécessaires : « Nous sommes en train d’éduquer ces enfants, qui doivent devenir des personnes démocrates ». Vallduriola a reproché aux parents d’avoir choisi la voie criminelle et de ne pas avoir cherché à résoudre le conflit dans le cadre de l’école.

Dans sa plainte, le procureur inclut la version rapportée par les mineurs qui ont vécu la journée. « Tu dois être heureux de ce que ton père a fait hier ! », a dit l’une des enseignantes, Lucia, à un garçon de 12 ans qui s’est effondré en larmes, selon son témoignage. Dans d’autres commentaires, les professeurs auraient qualifié les gardes civils « d’animaux » et de « bêtes » pour avoir tenté d’empêcher le référendum par la force.

La vérité judiciaire n’est pas encore établie. Le juge devra encore convoquer les professeurs et aussi les victimes présumées des humiliations : les élèves enfants de policiers. Selon toute vraisemblance, les autres élèves qui étaient en classe au moment des faits devront aussi déclarer en tant que témoins. Il ne sera pas facile de prouver la thèse de l’accusation si les versions sont contradictoires, bien qu’il existe d’autres éléments et preuves (comme les rapports psychologiques des mineurs) qui pourraient aider à clarifier ce qui s’est passé exactement dans le collège.

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