Publié à l’origine en espagnol. El País.
Dans une démocratie, les autorités ne peuvent pas mentir impunément aux citoyens
Lorsque ont eu lieu les registres et détentions effectuées hier (le 20 septembre) par la Guardia Civil dans divers services de la Generalitat, son président, Carles Puigdemont, le président de la Generalitat de Catalogne, a formulé une série d’affirmations fausses. Nous pensons qu’il est fondamental que dans une démocratie les autorités publiques ne puissent pas mentir impunément aux citoyens.
« Le Gouvernement de la Generalitat a été l’objet d’une agression coordonnée par les forces de polices du Ministère de l’Intérieur ». Faux. Les perquisitions et détentions effectuées mercredi dernier dans différents services de la Generalitat ont été exécutées sur indication du juge d’instruction numéro 13 du Tribunal de Barcelone. L’institution armée agit donc en sa qualité de « police judiciaire ».
Le but de l’opération est de « suspendre l’activité du Gouvernement » catalan, « qui a la légitimité démocratique ».Faux. Seules ont été intervenues les activités en rapport avec l’organisation du référendum sécessionniste. Le Gouvernement régional catalan sait, car le Tribunal Constitutionnel le lui a signifié, que ce référendum est illégal y qu’il n’a pas de compétences pour l’organiser. D’autre part, le Govern soutient qu’il lui suffit de l’appui d’une majorité de députés élus lors des élections du 27 septembre 2015 pour abroger le Statut d’Autonomie. Mais il se trompe : ce qui définit une démocratie n’est pas l’existence d’une majorité mais que celle-ci ne puisse pas enfreindre la loi impunément.
« Cette agression est dépourvue de base légale, viole l’État de droit et la Charte des Droits de l’Union Européenne, suspend de facto l’autogouvernement et a établi de facto un état d’exception ». Tout est faux. L’intervention policière s’est effectuée sous l’égide du pouvoir judiciaire et jouit de l’appui de la Cour Constitutionnelle. Elle rentre donc dans le cadre de l’État de Droit, duquel l’indépendance judiciaire est un pilier fondamental. On ne peut pas dire non plus que l’autonomie catalane ait été suspendue. L’article 155 de la Constitution n’a pas été employé, loi qui permettrait au Gouvernement de prendre en charge la direction de toutes les forces de police. Il n’y a pas non plus d’État d’exception, parce que les droits des citoyens n’ont pas été modifiés, comme l’illustrent les manifestations d’hier.
Plusieurs actions comme les perquisitions sans discrimination, y compris dans des domiciles particuliers, et d’autres mesures comme la fermeture et le blocage de pages web » constituent « une agression à la démocratie ».Faux. Les registres d’hier ne furent pas arbitraires, mais individualisés et menés dans le cadre de l’opération de la police judiciaire. Et la fermeture de la page web qui prétendait appliquer une loi suspendue (celle du référendum du 6 septembre) par la Cour Constitutionnelle, donnant des détails de cette convocation illégale et des ordres reçus pour les réaliser, a été décidée par le procureur en application des résolutions du tribunal suprême.
« Nous condamnons et rejetons l’attitude totalitaire et antidémocratique de l’État espagnol » et après ces actions « nous considérons que le gouvernement a outrepassé la limite qui le séparait des régimes autoritaires et répressifs » et « qu’il ne respecte pas les principes fondamentaux de la démocratie »
L’accusation n’est pas nouvelle. Carles Puigdemont avait déjà affirmé par le passé que l’Espagne était politiquement comme la Turquie. Mais c’est justement le contraire, l’Espagne est un État de droit européen et pleinement démocratique. Et c’est Puigdemont, comme Erdogan, qui, en s’emparant de la majorité et en ignorant la séparation des pouvoirs, est en train d’enfreindre la loi, en violant la Constitution et le Statut d’autonomie régional en utilisant les institutions pour promouvoir un référendum illégal et sans garanties.
« Nous, citoyens, sommes convoqués le 1er octobre pour défendre la démocratie face à un régime répressif et intimidant ». Faux. Le scrutin n’a pas pour objectif de défendre la démocratie, mais de faire aboutir le projet d’abrogation de la Constitution, du Statut d’autonomie et de rupture avec l’État, projet annoncé dans les Lois de convocation du référendum, de « transition » et de « déconnection » approuvées par le Parlement catalan les 6 et 8 septembre 2017 dans une chambre à moitié vide où les membres de l’opposition se sont vu refuser leurs droits parlementaires fondamentaux. De plus, des intimidations ont été menées par des groupes sécessionnistes, entre autres la CUP, qui ont collé des tracts avec les photos de maires et de conseillers municipaux favorables au respect de la légalité démocratique.
« Nous défendrons le droit des Catalans à décider librement de leur avenir ».L’idée reçue selon laquelle les Catalans ne décident pas de leur avenir dans les élections libres est fausse : ils ont participé à 35 élections entièrement démocratiques depuis 1977 (à différents niveaux, local, régional, national et européen) et trois référendums (ratification de la Constitution et les deux statuts d’autonomie) ; ils jouissent d’un gouvernement autonome ; et leurs partis politiques sont pleinement représentés au Congrès et au Sénat espagnols (et au Parlement européen, en tant qu’Espagnols), ainsi que dans de nombreux autres organismes publics.
« Ce qui arrive en Catalogne n’arrive dans aucun autre État de l’Union européenne ».C’est la seule déclaration de Puigdemont qui soit vraie. Malheureusement, aussi bien en Hongrie qu’en Pologne nous avons des leaders nationalistes qui veulent mettre fin à la séparation des pouvoirs et supprimer les systèmes de droits et de libertés en vigueur. Heureusement, un tel comportement n’a pas sa place dans l’UE.